De l’humour en musique Entretien Avec Makis Solomos

Traduction: Jeremy Drake

In 2002 I was invited to France to take part in the Second International Forum of Young Composers, hosted by Ensemble Aleph. As well as twice-performing one of my chamber works, Quintus, I was interviewed for their Logbook, a document containing interviews from the nine composers who were invited from around the world. This interview took place in France’s magnificent countryside at the Moulin d’Ande in Normandy. Makis Solomos, a Greek musicologist, author who teaches in Paris and noted authority on Iannis Xenakis and his music, interviewed me.

Lors de votre conférence au Moulin d’Ande, vous avez dit que vous aimiez mettre de l’humour dans votre musique. Pourriez-vous citer des exemples d’humor dans la musique d’autres compositeurs?

Parmi les compositeurs qui m’ont inspiré et qui sont pour moi humoristiques, il y a Satie, Haydn—qui est drôle de façon plus subtile—ainsi que Poulenc. Certains compositeurs américains tels que John Zorn sont drôles, que ce soit ou non leur intention. On trouve parfois en musique des moments humoristiques qui ne sont pas censés l’être, mais que je trouve drôles. L’humor ne doit pas nécessairement être explicite. Un exemple concret serait le quatrième mouvement de la Symphonie des Adieux de Haydn, mais il est encore plus humoristique si l’on comaît son histoire. Les musiciens, dit-on, voulaient prendre un congé pour aller voir leurs familles, mais le Prince les retenait; Haydn a écrit cette pièce comme une allusion subtile au souhait des musiciens.

Faut il qu’il y ait une histoire pour que la musique soit humoristique?

Non. Certains sons peuvent être drôles du fait qu’ils sont en rapport avec quelque élément qui nous est familier, un grognement, un rire, etc. Les gens rient en entendant un son qui lui-même évoque le rire, par un processus d’associabon. Mais il existe aussi un type d’humor très intelligent: c’est ce que je recherche, plutôt qu’une forme d’humor banale. J’aime en général l’humor intelligent qui est basé sur une citation historique ou quelque chose de plus profond.

Estil possible de définir l’humor en musique, même de manière trés générale?

Ii est difficile de répondre à cette question. Je définirais l’humor en musique comme quelque chose qui provoque l’auditeur de façon à lui donner le vertige, plutôt que de le rendre triste ou de le mettre en colère. En musique, I’humor ne résulte pas d’une seule situation. Il pourrait s’agir d’une référence explicite ou implicite ou d’une référence histonque, mais que les gens rient ou non dépend de la manière dont on intègre cette référence et de son éventuelle reconnaissance. Sans ce point de référence, il est possible que les gens n’y trouvent aucun humor—on prend un risque. Dans mon Sextuor, il y a une référence à Salt Peanuts (« Cacahuètes salées »), un standard de jaz que l’on joue souvent en Amérique. C’est un standard que je trouve drôle; en outre, je l’ai utilisé en relation avec cette réaction allergique que l’on peut attraper en mangeant des cacahuètes! Certains jazzmen ont entendu cette pièce et m’ont demandé si c’était bien Salt Peanuts; lorsque j’ai confirmé, ils ont rigolé. Si on ne conna ît pas ce standard, on ne pensera pas que la pièce a une quelconque référence extérieure; mais cela me va trés bien aussi. Quelque chose peut être drôle pour une personne et pas pour une autre.

Pouvez-vous citer d’autres exemples d’humor dans votre musique?

Il existe une subtile distinction entre l’humor et le choc. Parfois, lorsque l’on est choqué, on rit malgré soi, comme dans l’humor slapstick ou bouffon. Un type de gag particulier en Amérique consiste à exécuter une figure rapide comme signal pour que les gens rient. De même, dans mon Sextuor, il y a des sifflets de police—c’est un son tellement curieux! Dans Quintus, la pièce jouée par l’Ensemble Aleph, se trouve une référence très subtile au Quatuor pour la fin du temps de Messiaen (une section de trilles qui dure quatre mesures). D’habitude, j’indique la référence dans la partition à l’aide d’une note de bas de page; ici, j’ai pensé que la citation de Messiaen était trop subtile pour qu’on la reconnaisse. Autre exemple: le second mouvement—et le plus humoristique—de monPremier Quatuor à Cordes constitue une parodie d’un groupe de musiciens du sud des Etats-Unis qui jouent une valse country. Les gens du nord se moquent souvent des gens du sud, les appelant hicks ou rednecks, comme s’ils étaient tous des paysans incultes. C’est fait dans la bonhomie. Beaucoup de gens dans le nord n’aiment pas la musique country, un type de musique trés décontractée, avec quelques racines dans le jazz et dans le jeu des violoneux; c’est la musique préférée de la plupart des gens du sud. Pour moi, faire allusion à ce type de musique dans un quatuor à cordes est humoristique, car, en Amérique du moins, on considére le quatuor comme une forme élevée et sérieuse (il y a des exceptions, telles que le quatuor de John Zorn écrit pour le quatuor Kronos, qui joue les plus audacieux programmes de quatuors). Dans cette pièce, I’altiste doit pincer les cordes avec un médiator, alors que le violoncelliste joue debout comme un contrebassiste—tout cela sort le quatuor de son contexte historique. À la fin, les musiciens se sentent malades à force d’avoir mangé des cacahuètes bouillies—ce qu’on fait souvent dans le sud des Etats-Unis—, mais ils essaient de jouer quand même: la musique devient alors trés « collante » et ramollie. C’est un des rares endroits dans ma musique où les gens rigoient même s’ils ne connaissent pas la référence, car elle sonne drôle, elle sonne comme un personnage ivre, comme si quelque chose n’allait pas bien.

Quels autres éléments peuvent servir de référence?

On pourrait penser à ce que j’appellerais une référence a « primitive » à, mettons, un son animal ou humain, à la nature: souvent, ces sons nous semblent drôles. Ce n’est pas le cas chez Messiaen, qui est trés sérieux dans son travail, même s’il y a des moments humoristiques chez lui. Certains compositeurs utilisent un son qui ressemble à un oiseau et les gens peuvent rigoler en disant: « Oh, c’est un oiseau ». Dans Les Pins de Rome de Respighi on trouve I’enregistrement d’un véritable rossignol je l’ai entendu joué avec un appeau): cela me semble drôle du fait que, moi, je sais fort bien qu’il ne s’agit pas d’un instrument d’orchestre typique.

Vous voulez dire que le naturalisme de Respighi semble ridicule de nos jours?

Oui. Le ridicule est peut-être une forme d’humor. Mais, cela peut être uniquement un point de vue particulier: certaines personnes ont pu trouver l’effet tout simplement beau; alors, ce n’est ni drôle ni ndicule. Il n’y a pas de définition unique de l’humor en musique. C’est différent pour tout le monde. La musique est un art très abstrait; en outre, elle n’est pas, en règle générale, visuelle—à moins qu’il s’agisse d’une musique pour la scène: c’est pourquoi elle n’est pas fréquemment associée à l’humor.

L’humor en musique a donc toujours besoin d’une référence?

Il peut aussi découler de quelque chose de totalement inattendu. J’ai récemment écrit une pièce pour orchestre de chambre. Lors de sa création, les violoncellistes ont décidé, sans m’en parler, de faire tournoyer les instruments à un moment donné dans le demier mouvement! J’etais en train de regarder et puis, tout d’un coup, lorsque la musique devient un peu comme « ivre », elle s’arrête et puis reprend dans le style flapper des années vingt, les violoncellistes exécutent cette figure. Le public a éclaté de rire! J’ai ri, moi aussi, mais presque sous le choc, parce que je ne l’avais pas demandé. Depuis, j’ai intégré cet effet dans la partition, car je trouve l’idée très drôle. Voilà une des raisons pourquoi j’accepte volontiers que les interprètes fassent des suggestions et donnent leur interprétation personnelle.

C’était une situation visuelle.

Oui, je l’appellerais du théâtre. Il y a d’autres exemples d’humor plus subtil dans cette pièce, mais, durant son exécuton, on s’attendait si peu à un moment de théâtralité, surtout dans un cadre aussi conservateur! C’était la première commande que l’orchestre avait passée depuis une vingtaine d’années; son public n’avait pas entendu beaucoup de musique nouvelle: pourtant, la pièce a reçu une extraordinaire ovation, d’où je tire la conclusion qu’elle a marché! D’un autre côté, le public aurait pu penser que la pièce était trop radicale et ne pas rire du tout: à ce moment l’humor serait devenu triste!

Est-ce que l’humor constitue une façon d’éviter le sérieux?

Être sérieux en musique me semble plus facile, car il est admis que l’on crée des sons qui rendent les gens austères, graves ou sérieux, tandis qu’on méprise un compositeur qui écrit de la musique humorisbque, du moins dans certains cercles artistiques. Un de mes professeurs m’a dit un jour: « Je ne peux pas écrire de la musique humoristique »; c’est un homme brès sérieux, avec un sens de l’humor extrêmement pince sans rire, et il ne comprend pas pourquoi quelqu’un le ferait.

Est-ce pour vous un besoin de vous définir par rapport à des compositeurs qui sont trop sérieux?

Un peu, oui. J’ai été frappé de constater à quel point la plupart des compositeurs sont sérieux, surtout dans la musique contemporaine. Aussi, ce fut en partie une décision délibérée pour me différencier d’eux. Mais c’est aussi que j’avais déjà écrit beaucoup d’œuvres que j’appellerais sombres et sérieuses, et que je ne voulais pas me limiter à cela: je souhaite me donner la gamme la plus large possible d’émotions. J’aime écrire de la musique et je sais qu’il y aura des moments extrêmement tristes dans ma vie, par exemple lorsqu’un proche mourra: comme je suis quelqu’un de trés émotif, lorsque cela m’arrivera, j’aurais envie d’écrire de la musique très sombre. Il y a des compositeurs qui peuvent écrire ce qu’ils veulent à tout moment, mais, en ce qui me concerne, les éléments extérieurs ont une influence sur ce que je ressens. Pour le moment, je me sens plutôt heureux—je ne suis pas encore complètement fauché!

Ya-t-il des formes différentes d’humor?

Oui, c’est comme les flocons de neige—je ne suis pas assez malin pour les definir tous! Pour moi, cela commence par une intuition. Si je sens que quelque chose sera drôle d’une manière ou d’une autre, je l’essayerai peut-étre dans une compositon musicale, mais il n’y a absolument aucune garantie que quelqu’un d’autre la trouvera drôle.

S’agit-il d’une sorte de jeu? Sylvie Drouin m’a dit que votre musique était ludique.

Je le pense. J’adore sentir que je tire les gens avec moi. Ma musique constitue une narration, une histoire. Par contre, j’aime dans la musique de certains autres compositeurs trouver une qualité poétique ou sculpturale, presque comme dans un tableau. Pour eux, c’est le moment qui importe: ils ne pensent pas à une histoire. J’aime bien tirer les gens avec moi et jouer délibérément avec leurs attentes. C’est aussi pourquoi ma musique consiste en une juxtaposition de sections, bien que je ressente le besoin de travailler pour réussir les contrastes dramatiques. C’est une des raisons pour lesquelles j’aime la musique de Beethoven. C’était un génie: ses contrastes sont géniaux et ils me manquent dans la musique de certains compositeurs d’aujourd’hui. J’aime les contrastes dramabques, j’aime ce qui choque les gens.

Trouvez-vous cette façon d’employer les contrastes dans des œuvres contemporaines?

Oui, certainement! En Amérique, je dirais que le compositeur avec qui je sens le plus de parenté en ce qui concerne les ideaux est Christopher Rouse: sa musique suscite des émotions fortement dramatiques. J’aime Magaus Lindberg pour la même raison, Xenakis également, qui m’émeut toujours beaucoup. Trois autres pièces m’ont profondément inspiré: la Sinfonia de Berio, la Symphonie de chambre de John Adams et Colored Field d’Aaron Jay Kernis. J’aime aussi Chen Yi, I’auteur de Sparkle, qui constitue pour moi une œuvre émotionnellement très chargée. Pour ce qui est du drame, je citerais John Congliano, un autre compositeur américain dont la musique est colorée et dramatique. Je me pique de pouvoir apprécier une grande diversité de musiques: je suis très ouvert d’esprit, ouvert à pratiquement tout, tant que c’est bien fait. Je ne suis pas le genre de compositeur qui se cantonne dans son propre monde. J’ai bien aimé toute la musique que j’ai entendue au Moulin d’Ande. Je le dis parce que je ne pense pas que tous les compositeurs soient faits ainsi—pour moi, c’est triste. Les compositeurs ont tendance à se couper de l’exténeur. Dans un sens c’est bien, car il faut être très concentré et motive en ce qui concerne sa propre musique. Mais, si de temps à autre, on s’ouvre à la musique d’autrui, on peut beaucoup apprendre. J’ai beaucoup appris depuis que je suis ici. Par exemple, que la musique spectrale—que je n’ai pas étudiée autant que certains amis—est maintenant dépassée. Cela me fascine. Je rentrerai aux Etats-Unis avec une tout autre impression. Là-bas, la musique spectrale constitue encore un phénomène nouveau—je ne sais pas pourquoi. Ce qui me fait poser la queston: si cette tendance n’est plus nouvelle, alors, qu’est-ce qui est nouveau?

Pour revenir a l’humour: vous avez dit que Beethoven jouait avec l’attente dans un sens dramatique, mais diriez-vous que le compositeur qui joue avec l’attente d’une manière plus humoristique est Mozart?

C’est vrai. Mozart est un bien meilleur exemple en ce qui conceme l’humour. Sa musique est parfois extrêmement habile et drôle. Beethoven, surtout dans ses dernières œuvres, n’est pas aussi humoristique que Mozart, mais ses contrastes sont véritablement dramatiques; les changements, mettons d’une tonalité à une autre, peuvent être surprenants. J’aime cela, même si je ne pense pas à la tonalité comme le font ces compositeurs. Je suis sûr qu’il existe des moments drôles dans la musique de Mozart et de Beethoven qui me passent à côté. J’ai entendu dire et j’ai lu des articles qui mentionnent une référence humoristique ici ou là dans une de leur pièce, mais le contexte est totalement différent après deux siècles. A l’époque, c’était peut-être drôle. J’adore tout simplement écouter cette musique parce qu’elle sonne tellement bien!

Est-ce que les interprétes devraient sentir l’humor dans votre musique?

S’ils le veulent. J’espere que, s’ils trouvent quelque chose de drôle dans ma musique, ils le feront entendre au public. Je souhaite que, pour commencer, ils apprennent correctement les notes; si, ensuite, ils veulent étirer les tempi ou changer divers paramètres pour créer ce qui leur sera unique, cela m’est égal. C’est d’ailleurs absolument nécessaire, du moins en ce qui concerne ma propre musique: pour moi, les interprètes ne sont pas des machines—je sais ce que c’est que d’être considéré uniquement comme un robot. Les interprètes ont tellement à donner. Je suis heureux d’avoir travaillé avec d’excellents interprètes, qui ont beaucoup donné à ma musique, et qui ne lui ont nen enlevé. Seuis les mauvais interprètes enlèvent quelque chose à la musique.

Vous avez dit dans votre conférence que les indications humoristiques dans vos partitions constituent également une façon de faire réfléchir les interprétes, de les stimuler.

Très souvent, je mets dans ma musique des indications que le public ne verra jamais et que les interprètes penseront drôles, bizarres ou choquantes: peut-être que cela les provoquera à prêter davantage d’attention aux passages en question. Parfois, ces brèves descriptions peuvent être tout simplement dérangeantes pour les interprètes, mais je les mets exprès, car je veux qu’ils sentent posséder leur propre lien avec la musique. Parfois encore, elles les font rigoler ou même dire quelque chose de désobligeant; s’ils veulent dénigrer ma musique, tant mieux: ils en auront moins peur. Certains interprètes, même ceux de l’Ensemble Aleph, peuvent être très timides avec un compositeur. Mais quand je souris et suis trés détendu, ils se sentent mieux: ils savent qu’ils ont le dessus. De toute manière, j’ignore ce qu’ils disent, car mon français est très mauvais—peut-être se moquent-ils de moi!

Les interprétes aussi peuvent avoir le sens de l’humor?

Bien sûr! Mais il y a plus que cela. La musique sérieuse peut les déprimer, même si elle les encourage à travailler dur. Je ferais une analogie: je trouve de l’inspiration dans les rapports symbictiques avec la nature, comme lorsqu’un petit poisson cherche sa nourriture sur le dos d’un grand et, du coup, le nettoie aussi. On penserait que cette relation ne pourrait pas passer, mais ce n’est pas le cas. Aussi, si quelque chose dans la partition semble bizarre et si les interprètes ne le comprennent pas mais l’exécutent tout de même, il se peut que le résultat souhaité soit néanmoins atteint: le résultat étant de les stimuler. De toute manière, je n’aimerais pas enlever ces indications de mes partitions: puisque ma musique est bien jouée, cela signifie qu’elles fonctionnent.

Est-ce que ces indications constituent une façon de dédramatiser?

Oui, mais elles ne sont pas arbitraires: en général, elles reflètent mes préoccupations. Elles ont un sens, quoique pas suffisamment important pour être mis dans une notice de programme. Si le public veut lire la notice d’une de mes œuvres, très bien, mais cela m’importe peu. L’essentiel est qu’il apprécie ma musique même sans lire la nobce et sans connaître le titre: qu’il n’y ait aucune référence autre que le son et le fait de sentir quelque chose d’unique. Il faut déguster le son pour lui-même: voilà ce qui m’importe le plus. Si quelqu’un veut aller plus loin et lire la notice ou même regarder la partition, il s’agit simplement d’un autre niveau d’écoute.

L’humor dans votre musique n’est qu’un moyen?

Même si cela m’a plu d’écure des pièces humoristiques—ou qui ont des moments humoristiques—, ce n’est qu’une des facettes de la musique que j’écris, et je n’essaie pas toujours d’être drôle. Dans ma Symphonie de chambre, le troisième mouvement est humoristique, mais les deux premiers ne le sont pas du tout. J’aspire à la diversité dramatique entre les différents mouvements d’une œuvre, au point que, parfois, le public se demande comment les mouvements peuvent être liés. Le lien consiste souvent en la continuité thematique: les thèmes sont retravaillés différemment dans les divers mouvements, et j’aime que le public trouve cela tout seul à travers une écoute attentive.

Vous avez dit aussi que vous aimiez les gadgets.

J’adore les gadgets! Je suis embarrassé d’avouer que j’aime la cuisine et que j’aime les gadgets de cuisine. Les machines, les ordinateurs, les outils particuliers m’intriguent énormément. Par conséquent, je suis également intrigué lorsque les interprètes font des choses intéressantes avec leurs instruments. Dans Quintus, j’ai inclus des multiphoniques pour la clarinette: pour moi, ce sont des gadgets musicaux, même s’il ne s’agit pas de quelque chose de nouveau. J’aime les nouvelles techniques instrumentales, mais pas pour leur nouveauté: il faut qu’elles soient parfaitement integrées à la musique. George Crumb est exemplaire dans le maniement des techniques exotiques (par exemple, le jeu à l’intérieur du piano, I’utilisation de flageolets, le pitch bending qui « tord » les hauteurs): sa musique sonne à la fois unique et élégante. Il ne s’en sert pas pour être différent, mais parce qu’il en a besoin. J’admire cela. J’ai souvent remarqué que, dans la musique contemporaine, après une longue répétition, les interprètes jouent un peu de musique classique pour se détendre. Ils s’adressent des sourires complices, car ils aiment jouer de la musique qui semble élégante. Les instrumentistes à cordes, en particulier, aiment chanter tout en jouant. Cela m’intéresse beaucoup et me met la puce à l’oreille. Il est important pour moi d’écrire une musique dont les musiciens tomberont amoureux. Je compose pour des êtres humains, pas pour des robots. Cependant, I’année prochaine, je pense explorer la musique électroacoustique, mais jusqu’à présent j’ai été très heureux d’écrire pour dés interprètes.

July, 2002

© Copyright 2002 Coédition de documentation de la musique contemporaine (Cdmc) – Ensemble Aleph. Used with Permission.